L'Ondée d'Alain-Fournier
L'ondée a fait rentrer les enfants en déroute,
La nuit vient lente et fraîche au silence des routes,
Et mon coeur au jardin s'épanche goutte à goutte
Si discret, maintenant, et si pur...qu'à aimer
On pourrait se risquer - Oh ! Belle qui viendrez,
Vous ouvrirez la grille un soir mouillé de mai.
Timidement, avec des doigts qui se méfient,
Et qui tremblent... un peu, vous ouvrirez, ravie
D'amour et de fraîcheur et de frayeur... un peu.
Les lilas aux barreaux sont encore lourds de pluie...
Qui sait si les lilas, inclinés, lourds d'aveux,
Vont pas pleurer sur vos cheveux !...
Vous irez, doucement, tout le long des bordures,
Chercher des fleurs pour vous les mettre à la ceinture
Mes pensées frissonnantes pour en faire un bouquet
Gardez-vous bien, surtout, de passer aux sentiers
Où les herbes, ce soir, ont d'étranges allures,
Où les herbes sont folles et meurent de rêver !...
Si vous alliez mouiller vos petits pieds !...
Les rondes folles se sont tues,
Les herbes folles vont dormir.
L'allée embaume à en mourir...
Tu peux venir, ma bienvenue !
Tout le soir, sagement, tu descendras l'allée
Tiède d'amour, de pétales et de rosée.
Tu viendras t'accouder au ruisseau de mon coeur
Y délier ta cueillette, y délier fleur à fleur
La candeur des jasmins et l'orgeuil des pensées.
Et tout le soir, dans l'ombre humide et parfumée,
Débordant de printemps, de pluie et de bonheur,
Les larges eaux de paix, les eaux fleurdelisées
Rouleront vers la Nuit des branches et des fleurs...
Parce que j'adore ses poèmes et ses essais et qu'il est mort bien trop tôt... Il en a laissé tellement peu... Un univers du début du siècle dernier... Il est mort en 1918 pendant la guerre, il avait vingt ans.