Amertume
Et bien
voilà, j’étais là, dans le silence de ma
chambre. Immobile, solitude. Je fixais sans la voir la leçon
d’italien qui s’étalait claire et nette sur mon cahier à
petits carreaux. La lampe de bureau jetait une lumière crue
sur le papier blanc, tandis que déclinait derrière le
voilage de la fenêtre la lumière du jour. Un beau bleu
pâle où se découpait l’ombre plus sombre d’une
maison et de sa cheminée. Dans la pénombre qui
n’épargnait que le bureau, mon chapeau, mon lit, ma valise,
les rideaux et le porte-manteau, toutes ces choses prenaient un
aspect angoissant. L’esprit trouble et la vue floue, je m’amusais
à faire clapoter la bière dans sa canette. Le petit
bruit métallique me plaisait par son côté
mélancolique.
C’était de l’alcool. Et je buvais
jusqu’à la nausée, jusqu’au dégoût de
moi qui apparaissait plus clair. Ce besoin masochiste de savoir
combien j’étais pathétique. Je crachais dans la
poubelle. Mise à côté, prête à
l’emploi, j’avais à peine à me pencher, bien qu’au
bout d’un moment la salive dérivait parfois sur mon pull, et
que les quelques centimètres dont je déplaçais
ma tête semblait faire tourner le monde. Ma salive, épaisse
et tiède, tombait au fond de la poubelle avec un bruit sourd
et humide un peu écœurant, sur le plastique à côté
d’un vieux mouchoir sale. Par comme celui de la bière qui
coulait dans ma gorge, frais et mousseux. Un bruit triste quand même.
Ma salive était très gluante, avec le goût de la
bière. Je la raclais sur ma langue et au fond de ma gorge et
elle s’attachait souvent à ma lèvre inférieur,
refusant de lâcher, cédant une grosse partie d’elle-même
au gouffre de la poubelle bleue mais m’obligeait parfois à
la ravaler, froide, infecte. Alors je la refaisais descendre avec une
gorgée de bière, et je sombrais un peu plus dans ma
bêtise, dans ma dépression et j’avais l’impression
que les antidépresseurs et les somnifères que j’avalais
ne changeaient rien.
J’étais comme morte déjà,
et sans aucune envie. Le monde peu bien disparaître, je crache
et je m’abîme dans mon néant personnel.
Ce texte remonte à prêt de deux ans... Lucky ne me frappe donc pas ! Je l'ai retrouvé en fouillant un peu et ma fois je l'aime bien alors j'ai décidé de le poster ici.